Nouvelles perspectives pour les composites postérieurs

Les Polymères Renforcés de Fibres (FRP) constituent une nouvelle catégorie de matériaux dont la principale qualité est de mettre à profit leurs hautes propriétés mécaniques. Ils présentent de nombreuses applications. Une utilisation présumée en dentisterie adhésive pourrait mettre en valeur leur usage pour les composites postérieurs.

Nous tenterons d’évaluer les améliorations des paramètres mécaniques en fonction de leur orientation. Aucune étude scientifique n’a encore été réalisée pour cette application, c’est pourquoi il ne sera pas possible de quantifier les propriétés physiques.

Le concept

Une obturation occlusale avec un positionnement vertical des fibres, (orientées perpendiculairement aux frottements), améliorera les propriétés physiques d’une restauration. La théorie illustrée tentera de démontrer qu’une dent, obturée avec les fibres orientées verticalement, fibres positionnées dans l’axe de la dent, offrira des améliorations mécaniques. Le concept exposé dépend d’une parfaite cohésion de tous les matériaux utilisés pour l’obturation.

Parmi les FRP actuellement commercialisés, notre choix s’est tourné vers les produits de la firme Sticktech . Les fibres de verre silanées, imprégnée de résine de Bis Gma et PMMa sous l’appellation « EverStick ® » garantissent une liaison fibres/matrice résine idéale. L’adhérence entre les fibres nécessite l’usage d’un composite méthacrylé afin de garantir une parfaite liaison chimique entre les morceaux de FRP à disposer dans la cavité.

Actuellement, les principaux problèmes associés à l'utilisation des matériaux composites pour les restaurations postérieures sont les suivants :

  • faible résistance à l'usure ;
  • faible module d'élasticité ;
  • polymérisation incomplète ;
  • contraction de polymérisation qui nuit à la durée du produit à long terme (9).

Les FRP, par une orientation stratégique (donc dans l’axe de la dent) peuvent améliorer la valeur mécanique d’une reconstitution postérieure grâce à la nette augmentation du module d’élasticité.

Il y a une forte corrélation entre l’usure et la résistance à la flexion (ou module d’élasticité). Le module d'élasticité des matériaux composites actuellement utilisés, indiqués pour les restaurations postérieures équivaut environ à la moitié de celui de l'émail des dents.

Un exemple choisi de l’usage du bois, matériau fibré, témoigne de cet avantage : un parquet de lattes, étalées longitudinalement s’usera plus vite que l’étale du boucher, également en bois mais avec les fibres disposées transversalement.

Les applications pourraient s’étendre à une obturation triface, voire même une reconstitution de cuspide. Ces restaurations pourraient être réalisées directement en bouche ou de manière indirecte.

Amélioration des propriétés mécaniques

L’usure d’une obturation dépend du coefficient de flexion (9).

L’orientation verticale de la fibre améliore le module d’élasticité et augmente ainsi sa résistance aux frottements. Les fibres présentées verticalement (en champ) supporteront mieux la flexion.

Le module d'élasticité des composites dentaires est considéré comme une propriété importante (9). La mesure de la résistance à la compression et à la traction ne relève pas d’un réel intérêt clinique (10).

De même, le coefficient d’abrasion de la fibre de verre est supérieur à la résine. Toutes les résines sont chargées en particules (verre, céramique..) de toutes dimensions ou formes pour améliorer leurs propriétés mécaniques. Les charges minérales finiront par s’user et exposer à nouveau la trame de résine. La fibre, filament continu, ne présente pas d’interruption.

Réduction de la rétraction

Un composite subit des contraintes lors de la polymérisation. Elles sont transmises aux parois dentaires et peuvent être à l’origine de la dégradation des joints entre la dent et la restauration, cause d’une perte d’étanchéité. De même, elles peuvent endommager la structure de la dent et provoquer des fractures. Les facteurs qui influencent les contraintes sont : la géométrie cavitaire (2), la structure du composite (4), la qualité de la polymérisation (3) et l’irradiation lumineuse (5 & 6). Les contraintes aux interfaces dent/composite sont importantes. Elles dépendent des surfaces collées et de la géométrie de la cavité (facteur C) (une cavité proximale à une contrainte moindre qu’une cavité occlusale car moins de contact collé).

La valeur du retrait de polymérisation d’un composite est aussi liée à la quantité et à la forme des charges qu’il contient. Plus il contient de charges, moins il y a de matrice de résine et donc le retrait est plus limité. Cependant, l’augmentation de la teneur en charges a tendance à accroître la rigidité du composite et, par conséquent, les contraintes induites pendant sa prise (7). Avec l’incorporation de fibres, la rétraction est limitée dans l’espace par le cloisonnement entraîné par les fibres de verre. L’absence d’étude scientifique ne permet cependant pas d’évaluer clairement le retrait de polymérisation du composite fibré. Par contre, l’excellente cohésion des fibres imprégnées confère une meilleure résistance aux fissures causées par contraintes de polymérisation ainsi que par les contraintes masticatoires. Les valeurs moyennes du retrait de polymérisation d’un composite postérieur après 30 minutes sont de 3 à 5 % du volume.

Meilleure transmission de la lumière (translucidité)

La photopolymérisation du composite n’est jamais totale. Les résultats les plus optimistes estiment que seules 60 % des liaisons chimiques sont complètes (1-9). La résine résiduelle ne polymérisera pas du tout. Un composite postérieur est plus opaque qu’un antérieur, il nécessite donc une plus longue exposition lumineuse. Les fibres transparentes pourraient favoriser la transmission lumineuse en guidant la lumière dans les zones les plus profondes. La contraction du composite se fait vers la source lumineuse, et donc vers les fibres qui sont translucides.

Cohésion chimique optimale

Le renforcement par des fibres est efficace lorsqu’il y a bonne liaison entre les fibres et la matrice car les contraintes sont appliquées à l’ensemble du polymère fibré. L’association avec un composite flow pour interpénétrer totalement les espaces entre les FRP. Le choix s’est porté pour le Clearfil Majesty Flow pour sa haute teneur en charges afin de bénéficier de la meilleure résistance au retrait de polymérisation et pour une bonne translucidité (charges de verre). Les deux matériaux sont parfaitement compatibles, ils appartiennent tous les deux à la famille des composites méthacrylés.

(EverStick ® : teneur en fibre de verre : 70% du volume)

(Clearfil Majesty Flow : charges 68% du vol.)

Réduction l’hydrolyse

Les raisons de la dégradation des composites en milieu buccal sont mal connus. La fibre de verre devrait réduire la sensibilité initiale à l’eau et aux enzymes salivaires. La cohésion chimique de la fibre de verre avec la résine est encore une fois un avantage (10).

Conclusions

La disposition des fibres avec une orientation verticale ou en bois-debout, influence le coefficient de flexion. Les fibres présentées verticalement résisteront mieux à la compression ainsi qu’à la flexion. Les matériaux les plus résistants à la flexion affichent une abrasion moindre. Le composite mécaniquement renforcé aura une réduction de la déformation élastique provoquée par la pression fonctionnelle ainsi que une amélioration supposée de la rétraction du composite après photopolymérisation. Le risque de fracture pour l’émail et la perte d’étanchéité est réduit.

Du coté des fabricants, de grands efforts sont fournis pour nous offrir des produits performants pour optimaliser notre travail. L’utilisation des fibres de verre pourrait être une piste sérieuse pour l’élaboration des matériaux synthétiques que nous utiliserions dans le futur. Les renforts sont utilisés déjà en construction, pour le béton armé, pour les armatures des charpentes, en aéronautique, … toujours en poursuivant l’objectif de contrecarrer toutes les contraintes.

Alain Dziubek
Dentiste Généraliste, www.dentiste.eu

www.dentisterie.info
www.infodental.eu
mondentiste.mobi


1. G.J.Mount , W.R. Hume
Préservation et restauration de la structure dentaire De Boeck Université 2002
2. AJ Feilzer, de Gee, Davidson Setting Stress in composite resin in relation to configuration of the restauration
3. Stansbury, Trujillo-Lemon, Lu , Ding X, Lin Y, Ge J., Conversion dependant schrinkage stress ans strain in dental resins and composites
4. Condon JR, Ferracane JL, Assessing the effect of composite formulation on polymerization stress J. American Assoc. 2000; 131 : 497-503
5. BS Lim, JL Ferracane, RL Sakagauchi, JR Condon, Reduction of polymerization contraction stress for dental composites by two-step light activation. Dent Mater 2002 ; 18 : 436-44
6. Sakagauchi, Wiltbank, Murchison, Contraction force rate of polymer composites is linearly correlated with irradience
7. M. Degrange, Retrait et contraintes de polymérisation des composites ID oct.2004 n°34
8. Didier Dietschi et Roberto Spreafico, Adhesive metal – free restaurations Quintessence
9. Derek W. Jones, Biomatériaux composites dentaires, J.Can.Dent.Assoc. 1998 64 :732-4
10. Skinner & Philips, Science des matériaux dentaires J.Prélat

Publié par le journal du dentiste n°361 (mars 2008)

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